La commission agriculture ruralité
Série sur les commissions sectorielles (épisode 2)
L’agriculture ne fait pas partie des compétences du département.
Cependant les départements peuvent gérer des laboratoires d’analyse départementaux.
Le département de la Vienne finance en partie le laboratoire Qualyse (hygiène alimentaire, santé animale et santé environnementale).
Par dérogation, ils peuvent, par convention avec la région, participer au financement d’aides accordées en faveur d’activités de production, de commercialisation et de transformation de produits agricoles, de produits de la forêt ou de produits de pêche dans les conditions prévues à l’article L. 3232-1- 2 du CGCT.
Dans ce cadre, le département de la Vienne a signé une convention avec la région pour intervenir dans les domaines définis par sa feuille de route : renouvellement générationnel (installation), transition agroécologique, alimentation durable et soutien aux acteurs du monde agricole.
Ainsi, le département finance des projets de création d’ateliers et de développement de transformation ou de commercialisation locale via le plan de Compétitivité et d’Adaptation des Exploitations agricoles.
Il finance des projets de la chambre d’Agriculture de la Vienne sur des thématiques (agriculture biologique, par exemple) et verse des subventions à des associations venant en aide aux agriculteurs ou œuvrant pour la biodiversité. Le département contribue également au financement du salon La Ferme s’invite qui a lieu début novembre chaque année au parc des expositions de Poitiers.
Et enfin, le département est membre d’Agrilocal, une plateforme mettant en lien des agriculteur·rices producteur·rices et des cantines collectives (le plus souvent des collectivités locales, un peu de restaurateurs).
Dans notre commission, nous suivons les projets d’aménagement foncier rural (remembrements) gérés par le département (ex. : celui de Saint-Martin La Pallu et celui provoqué par la déviation de Lussac-les-Châteaux).
Les départements ont également un droit de délimitation du périmètre d’intervention pour la protection et la mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains et peuvent exercer un droit de préemption dans ce périmètre. Et il peuvent gérer des espaces agricoles et naturels périurbains.
Cette commission a tous les atouts pour être passionnante car elle traite de sujets environnementaux, humains, animaux et économiques.
Malheureusement, il est très difficile de débattre.
Une fois, j’ai souhaité aborder le thème de la sécurité sociale de l’alimentation. Le vice-président à l’agriculture ruralité, d’un ton ferme, m’a interdit d’en parler, si bien que même les personnes qui auraient pu être intéressées sont restées silencieuses et n’ont pas osé poser de question le reste de la commission.
Que s’est-il passé à la commission du 7 avril sur le budget 2025 ? Comme d’habitude : pas de discussions, pas de débat. J’ai soulevé le fait que les commissions ne servaient à rien si ce n’est prendre connaissance de ce qui a déjà été décidé. Et lorsque je pose des questions, cela gêne : à la réunion du mois de mai, il a été impossible d’avoir des explications claires sur les rejets des demandes de subventions ou les montants attribués. Au mois de juin, on me dit, alors que deux syndicats agricoles perçoivent les mêmes subventions que les années précédentes, qu’il n’y a pas assez d’argent pour d’autres associations qui voient leur demande de subvention rejetée.
J’ai demandé à deux reprises le contenu de dossiers de demandes de subventions.
La première fois, ce fut dans le contexte du protocole du bassin du Clain qui avait été adopté par le conseil départemental en septembre 2022 (sans les voix du groupe La Vienne en transition) et qui validait l’idée de construire des mégabassines pour quelques irrigants au service de l’agro-industrie.
En novembre 2022, on nous a présenté une délibération visant à verser 5000 € à l’ADIV (association départementale des irrigants de la Vienne). Le motif ? « Concertation pour une gestion patrimoniale et collective de la ressource en eau pour l’agriculture, dans le cadre du protocole pour les réserves de substitution du Clain ». Intriguée, j’ai demandé oralement le dossier au vice-président qui a refusé. J’ai été donc dans l’obligation de le demander formellement et officiellement au Président du département, via une lettre recommandée avec accusé de réception.
Je n’ai reçu les documents que le jour même de la commission permanente au cours de laquelle la délibération était présentée. Ils étaient presque entièrement caviardés et consistaient en un simple courrier, accompagné d’un dossier de quelques pages avec des renseignements sur l’association. Mais j’ai pu prendre connaissance du véritable motif : payer l’avocat qui avait fait une analyse juridique du protocole du Clain et plus spécifiquement du GIP (groupement d’intérêt public) qui, conformément au protocole du Clain, allait devoir se constituer pour gérer l’eau des mégabassines.
Or cette association se portait financièrement très bien et pouvait très bien se passer de la subvention du département.
Parallèlement, pendant cette même période, l’association « Solidarité Paysans Poitou-Charentes » faisait face à de très graves difficultés financières : elle avait demandé au département de lui verser une deuxième subvention au cours de l’année 2022. Alors que mes collègues élu·es de la commission agriculture ruralité ne posent d’habitude pratiquement pas de questions, cette demande avait suscité beaucoup d’interrogations de leur part : ils et elles souhaitaient savoir si cette association avait une gestion rigoureuse de son budget et si cette demande était légitime. Nous avons donc rencontré des représentants de cette association afin qu’elle présente ses activités et justifie sa demande. Et le département a finalement accepté de verser une rallonge, moyennant la signature d’une convention. Quelle humiliation !
L’ADIV, à ma connaissance, n’a pas eu à signer de convention. Et pourtant, l’association Solidarités paysans Poitou-Charentes a été reconnue d’intérêt général (les dons peuvent être en partie défiscalisés) : elle aide et accompagne, sans les juger, les agriculteurs·rices en détresse financière.
La deuxième fois, ce fut en 2024. Le 57e congrès national des Jeunes Agriculteurs (syndicat agricole) était organisé au palais des congrès du Futuroscope. Une subvention de 10 000 € a été versée. J’ai demandé là aussi les éléments du dossier, reçus au dernier moment, bien évidemment, dans ma petite boîte aux lettres à l’hôtel du département. Et encore des documents presque complètement caviardés : un courrier, un budget prévisionnel et la promesse, dans une brochure, d’avoir un stand réservé au département dans le hall du palais des congrès. Je suis intervenue pour dénoncer la légèreté du dossier inversement proportionnelle au montant de la somme versée. Et lorsque je suis rentrée chez moi, le soir, j’ai trouvé dans la boîte aux lettres de mon domicile, pratiquement le même dossier, en couleurs !
Enfin, les relations entre la chambre d’agriculture et le département sont fortement dégradées. Tous·tes les conseillers·ères départementaux·ales ont reçu un courrier du président de la Chambre d’agriculture se plaignant de l’attitude du vice-président à l’agriculture et à la ruralité. Il dénonçait également le fait que le département n’accepte de financer que les projets dans lesquels l’action de ses élu·es est visible. Une rencontre fin mai entre les deux présidents n’a rien donné.